L’évolution en cours est-elle inédite dans l’histoire du climat de la Terre ?

Le climat varie en effet à toutes les échelles de temps : du jour à la nuit, d’une saison à l’autre, d’une année à l’autre… et nous sommes soumis et adaptés à ces variations. D’ailleurs le climat que nous connaissons aujourd’hui n’est pas représentatif du climat du dernier million d’années. En effet, le climat de la  majeure partie du dernier million d’années est bien plus froid que l’actuel, avec non pas 2 mais 4 calottes de glace. La variabilité climatique actuelle est aussi bien plus faible que celle des climats glaciaires.

Enfin, le climat du dernier million d’années n’est, lui-même, pas représentatif du climat des 500 derniers millions d’années. En effet le climat de la Terre a été en général plus chaud que l’actuel, et il n’y avait pas de calottes de glace ! Par exemple, les dinosaures (225 → 65 Ma = millions d’années), au cours du Jurassique, du Trias ou du Crétacé n’ont quasiment jamais vu de calottes de glace !

Donc, en effet, le climat a connu de grandes variations, et la Terre « en a vu d’autres » !

La question préoccupante est la suivante : la Terre, qui va bientôt porter 9 milliards d’hommes et de femmes, peut-t-elle « encaisser » une augmentation fulgurante du taux de CO2. Ce qui est exceptionnel, et relève plus d’une situation de crise que de variations lentes du climat, c’est la rapidité avec laquelle l’homme transfère de grandes quantités de CO2 des réservoirs géologiques au réservoir atmosphérique.

Grâce aux bulles emprisonnées dans les glaces antarctiques, on sait que depuis 800 000 ans, le CO2 varie entre 180 ppm

ppm ou « parties par million » : 1 ppm vaut 10-6 fois l’unité ou encore 0,0001 %.

(parties pour million) (phases froides) et 280 ppm (phases chaudes). Nous sommes aujourd’hui à plus de 400 ppm avec une progression de 2 ppm par an (402 ppm en septembre 2014). Nous avons donc quitté la fenêtre des variations glaciaires interglaciaires et, pour retrouver un tel taux de CO2, il faut remonter des millions d’années en arrière à une époque où la calotte groenlandaise n’existait pas. La perturbation est donc massive et extraordinaire.

Un des aspects préoccupants est la remontée du niveau marin. En effet, un fort taux de CO2 étant incompatible avec l’existence de calottes de glace, si le Groenland ou l’Antarctique de l’ouest se mettent à fondre, alors l’augmentation du niveau marin pourrait atteindre des dizaines de centimètres d’ici la fin du siècle (entre 30 et 80 cm d’après le dernier rapport du GIEC) et une dizaine de mètres à plus long terme. Or, une partie importante de la population mondiale vit au niveau de la mer. Les conséquences socio-économiques seraient donc dévastatrices.

Le fait de perturber si rapidement l’équilibre radiatif de la planète correspond plus à une crise, à un déséquilibre, qu’aux lentes transitions que la Terre a connues aux échelles géologiques.

Par exemple, lors de la dernière déglaciation qui a commencé il y a 19 000 ans, la disparition des calottes glaciaires de la Laurentide (Nord de l’Amérique du Nord) et de la Fennoscandie (Nord de l’Europe) ont conduit à une augmentation du niveau marin de près de 120 mètres en 12 000 ans. Aujourd’hui, la fonte de la calotte groenlandaise et de l’Antarctique de l’Ouest, soit près de 10 mètres de niveau marin, pourrait se faire en quelques siècles, dans un contexte où l’Homme est massivement présent sur la plupart des côtes.