Quels sont les liens entre l’orbite de la Terre et son climat ?

Autres réponse de : Gilles Ramstein

Le climat de notre planète est influencé par les positions relatives de la Terre et du Soleil (par les paramètres orbitaux de la Terre). Depuis l’antiquité, les hommes ont identifié deux cycles astronomiques déterminants pour le climat et qui nous semblent aller de soi, le jour (la rotation de la Terre sur elle-même) et l’année (la révolution de la Terre autour du Soleil). Ainsi, le calendrier et le retour des saisons est certainement la première grande découverte en climatologie. Depuis l’antiquité également, les astronomes ont identifié un «troisième mouvement» de la Terre : la précession des équinoxes, qui possède une périodicité de 25 700 ans. Dès la découverte des périodes glaciaires au XIXème siècle, il a été suggéré que celles-ci étaient cycliques et causées par ce «troisième mouvement» de la Terre, ou par d’autres variations astronomiques à long terme. Ainsi, la théorie de Milankovitch, énoncée au début du XXème siècle, prédit que ces périodes glaciaires doivent survenir environ tous les 41 000 ans, ce qui correspond à la périodicité des variations de l’obliquité de la Terre, c’est-à-dire l’inclinaison de notre planète sur son orbite (qui détermine notamment la latitude des tropiques et des cercles polaires). Néanmoins, depuis les années 1970, il est maintenant prouvé que ces cycles climatiques sont avant tout rythmés par les variations de l’excentricité de l’orbite terrestre et surviennent environ tous les 100 000 ans. Il est donc bien établi que ces grands cycles climatiques sont liés aux variations orbitales de la Terre, mais les mécanismes mis en jeu restent mystérieux. En effet, les variations d’excentricité tous les 100 000 ans sont beaucoup trop faibles pour affecter directement le climat.

Prenons un exemple simple. Tous les matins ma cafetière produit du café chaud pour le petit-déjeuner. Sa température est donc parfaitement corrélée avec le cycle diurne. Mais ce ne sont pas les rayons du Soleil levant qui expliquent ce phénomène, mais plutôt la mise en marche d’une résistance électrique chauffante déclenchée par un programmateur, lui-même calé sur le cycle diurne. De la même façon, les périodes glaciaires sont rythmées par les variations de l’excentricité de la Terre, mais il est abusif de dire qu’elles sont causées par ces variations orbitales. Les processus mis en jeu sont encore incertains, mais le rôle de la concentration atmosphérique en CO2 semble essentiel.

En effet, depuis le XIXème siècle certains scientifiques soupçonnent que la cause des cycles glaciaires soit liée à des changements dans le cycle du carbone et à l’effet de serre correspondant. C’est ainsi que S. Arrhénius fut le premier à tenter de calculer, dès 1896, l’influence du CO2 sur le climat. Bien que son modèle soit incorrect, le résultat obtenu (un réchauffement d’environ 5°C pour un doublement du CO2 atmosphérique) est proche des meilleurs estimations actuelles (3,5°C pour un doublement du CO2 atmosphérique). Cela lui permettait d’expliquer un refroidissement de quelques degrés en période glaciaire, pour une baisse de CO2 qu’il estimait à 40%.

Grâce aux forages de glace en Antarctique, nous savons désormais que le CO2 était effectivement plus bas en période glaciaire, d’environ 30%. Les modèles les plus perfectionnés nous disent que la température du dernier maximum glaciaire s’explique pour moitié par la baisse du CO2 et pour moitié par la présence d’une énorme calotte de glace aux hautes latitudes de l’hémisphère nord (les changements orbitaux ayant un rôle négligeable sur la température globale de la Terre). Comme cela est montré sur la figure ci-dessous, l’augmentation du CO2 durant la dernière déglaciation n’est pas une conséquence de la fonte des calottes. Il est plus probable qu’il s’agisse d’une de ses causes, avec aussi l’augmentation de l’insolation d’été au-dessus des calottes, conformément à la théorie de Milankovitch. Pour résoudre la question des cycles glaciaires et du rôle des variations orbitales sur le climat, il faut donc comprendre pourquoi le CO2 atmosphérique change en liaison avec l’évolution des calottes de glace et des paramètres orbitaux.

Une explication prometteuse fait intervenir la circulation océanique profonde, notamment la formation des eaux de fond autour de l’Antarctique, qui contrôlent en grande partie la stratification verticale de l’Océan global et sa capacité à stocker du CO2. Les variations du niveau marin liées aux changements des calottes de l’hémisphère nord, mais aussi les variations de l’étendue de la calotte Antarctique, vont modifier la topographie des zones de formation et les caractéristiques des courants de densité qui plongent vers les abysses. En couplant de cette manière la théorie astronomique de Milankovitch et la théorie géochimique d’Arrhénius, il est dorénavant possible d’esquisser une vision cohérente des cycles glaciaire-interglaciaire (Paillard et Parrenin

Paillard, D., and Parrenin, F., The Antarctic ice-sheet and the triggering of deglaciations, Earth Planet. Sci. Lett. (2004), vol. 227 (3-4), pp. 263-271.

, 2004).

Illustration des relations entre les différents paramètres climatiques.

Sources : diverses (voir la section « Pour en savoir plus »)

Le temps, sur l’axe horizontal, s’écoule de droite à gauche, entre 25 000 ans et 5 000 ans avant le présent.

De haut en bas :

1 – Insolation au sommet de l’atmosphère, au solstice de juin, à 65°N (Berger, 1978). Il s’agit du « forçage astronomique » qui, selon la théorie de Milankovitch, permet de contrôler l’étendue des calottes de glace de l’hémisphère Nord. Ce forçage n’a, en fait, pas d’effet direct sur la température globale. (L’insolation dans l’hémisphère sud est très différente.)

2 – Niveau marin (Fairbanks, 1989 ; Bard et al., 1996). La fonte des calottes se déroule essentiellement entre 14 000 et 6 000 ans avant le présent ;

3 – Températures au Groenland (Dansgaard et al., 1993). Un réchauffement net et brutal survient il y a 14 000 ans ;

4 – Concentration atmosphérique en CO2 (Monnin et al., 2001). L’essentiel de l’augmentation du CO2 s’effectue avant 11 000 ans, alors que les calottes sont à mi-chemin de leur fonte, et par conséquent le niveau marin aussi;

5 – Température en Antarctique (Stenni et al., 2001). Le réchauffement est quasiment synchrone avec la remontée du CO2.

Cette figure montre clairement que l’augmentation du CO2 atmosphérique n’est pas une conséquence de la fonte des calottes de glace. En effet, la  concentration du CO2 a déjà atteint 240 ppm alors que le niveau marin a à peine changé à 14 000 ans avant le présent.