Les changements de composition de l’atmosphère ont-ils une incidence sur le climat ?
Vénus, Terre, et Mars. Trois planètes sœurs formées à partir des mêmes matériaux de la nébuleuse solaire il y a environ 4,5 milliards d’années. Trois planètes telluriques d’un diamètre et d’une masse assez proches et situées à une distance respective du Soleil de 108, 150 et 228 millions de kilomètres. Un calcul simple nous apprend que la température effective1. La température effective d’une planète est calculée sur base d’un équilibre entre le rayonnement solaire absorbé et le rayonnement infrarouge émis vers l’espace au sommet de l’atmosphère. de ces trois planètes est de respectivement -53°C, -18°C et -61°C. Pourtant, la température moyenne qui règne à leurs surfaces est de 457°C, 15°C et -55°C.
Cette différence importante entre température effective et température à la surface est due à la présence ou non d’une atmosphère et d’un effet de serre. Un effet de serre énorme sur Vénus dont l’atmosphère épaisse est constituée essentiellement de CO2, un effet de serre très faible sur Mars et un effet de serre naturel sur Terre réchauffant la surface de 33°C et permettant le maintien d’une température clémente ayant favorisé l’apparition de la vie telle que nous la connaissons. Le climat d’une planète dépend donc bien évidemment de la présence d’une atmosphère et surtout de sa composition.
Les climats du passé de la Terre, que ce soit il y a plusieurs dizaines de millions d’années, durant par exemple le Crétacé ou au cours des grands cycles glaciaires-interglaciaires du Quaternaire, nous le confirment : le climat sur Terre et la composition de son atmosphère sont intimement liés. Une couche d’une centaine de kilomètres d’épaisseur à peine qui, si la Terre était ramenée à l’échelle d’une pomme, aurait proportionnellement la taille de son épluchure, préserve pourtant le climat clément de la Terre et la présence de la vie à sa surface.
L’impact de l’Homme sur la composition chimique de l’atmosphère est aujourd’hui clairement mis en évidence par les observations. Nous sommes entrés de plain-pied dans une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène. L’Anthropocène est un néologisme construit à partir du grec ancien anthropos (être humain) en référence à une nouvelle époque géologique où l’activité humaine est devenue la contrainte géologique dominante. Ce terme, proposé par le chimiste de l’atmosphère et prix Nobel Paul Crutzen, n’a toutefois pas encore été officiellement adopté par l’Union Internationale des Sciences Géologiques (UISG).. Une époque géologique marquée par l’impact global et prégnant des activités humaines sur la composition de l’atmosphère, le climat et sur l’environnement en général. La rapidité avec laquelle ces perturbations de la composition chimique surviennent depuis la période préindustrielle est sans précédent dans l’histoire du climat de notre planète.
Mais quels sont ces constituants chimiques qui, bien que présents en concentrations extrêmement ténues dans l’atmosphère, peuvent perturber le bilan énergétique de notre planète à l’échelle globale ? Plus de 50 milliards de tonnes de gaz à effet de serre3. En 2015, 53 milliards de tonnes de gaz à effet de serre ont été émises par les activités humaines. Ces émissions se rapportent à tous les gaz à effet de serre confondus et sont exprimées en « équivalent-CO2» : les émissions de chaque gaz sont rapportées au CO2 sur base de leur Potentiel d’Echauffement Global (PEG). ont été émises dans l’atmosphère en 2015 par les activités humaines pour la production d’énergie, le transport, l’industrie, l’agriculture et par la déforestation. Ces émissions ont augmenté de 2,2% par an au cours de la dernière décennie.
Ces gaz émis peuvent contribuer directement à l’effet de serre additionnel de par leurs propriétés radiatives. C’est le cas du gaz carbonique ou dioxyde de carbone (CO2) qui est souvent, et à juste titre, incriminé dans cette problématique des changements du climat car il représente à lui seul 75% des émissions. Mais c’est également le cas du méthane (CH4), du protoxyde d’azote (N2O), des halogénés : chlorofluorocarbures (CFC) et leurs produits de substitution (HFC, HCFC, PFC), ainsi que de l’hexafluorure de soufre (SF6). Bien que ces gaz soient émis en quantités moins importantes que le CO2, ils sont plus efficaces que le dioxyde de carbone pour participer à l’effet de serre. C’est par exemple le cas du méthane ou du N2O dont un kilogramme rejeté dans l’atmosphère est respectivement 28 fois et 265 fois plus efficace4. Cette différence d’efficacité entre les différents gaz à effet de serre est exprimée par le PEG. Le PEG est déterminé sur base de l’efficacité de la molécule de gaz considéré à absorber le rayonnement infrarouge et en prenant en compte son temps de résidence dans l’atmosphère, le tout comparé aux valeurs pour le CO2. qu’un kilogramme de CO2 pour participer à l’effet de serre.
De nombreux autres gaz souvent réactifs et des particules en suspension dans l’atmosphère (les aérosols) jouent également un rôle essentiel dans ces perturbations du climat par l’Homme. Parmi ces gaz, l’ozone (O3) joue un rôle clé en participant directement aux perturbations du bilan énergétique et en contrôlant le pouvoir oxydant de l’atmosphère. À travers ces gaz réactifs sources d’ozone, comme les oxydes d’azote (NOx) ou le monoxyde de carbone (CO), ou au travers des particules en suspension dans l’air (sulfates, nitrates, carbone suie), un pont est jeté entre deux problèmes majeurs pour l’environnement : la pollution de l’air locale et les changements climatiques globaux.
Le défi qui nous est clairement posé est de continuer à comprendre comment le rejet massif de polluants par les activités industrielles et agricoles ou les feux de forêts va modifier la composition de l’atmosphère et le climat au cours des prochaines décennies, mais surtout comment parvenir à réduire ces émissions de gaz et de particules agissant à la fois sur le climat et également sur la qualité de l’air et donc sur la santé.