Comment simule-t-on le climat d’une région particulière de la planète ?
Les modèles couvrant toute la planète simulent l’évolution du système climatique terrestre et son énergétique globale sous l’effet de forçages externes et de sa variabilité interne. Cependant, leur coût numérique étant très élevé, ils ne représentent aujourd’hui le climat de la Terre que sur des mailles de l’ordre de 100 à 200 km et, de fait, de nombreuses caractéristiques qui pourraient s’avérer essentielles n’y sont que grossièrement prises en compte. Par exemple, la topographie utilisée par les modèles globaux pour le Sud de la France (un ensemble montagneux contigu allant des Alpes aux Pyrénées) ne reflète pas bien le relief varié de cette région. En conséquence, ces modèles ne peuvent pas, par construction, simuler des épisodes de Mistral, vent local dû à l’accélération du flux par le couloir rhodanien. De même, ce type de modèle ne reproduit pas bien les pluies torrentielles d’automne dans le Sud-Est de la France (les événements cévenols) et les orages en été.
Pour affiner spatialement les scénarios de changement climatique, il faut donc augmenter la résolution du maillage. On parle alors de régionalisation et on utilise souvent pour cela des modèles régionaux de climat (MRCs). Ces modèles sont très semblables aux modèles globaux par les équations qu’ils résolvent, mais ils représentent le système climatique plus finement sur une sous-partie du globe, prenant mieux en compte les conditions aux limites (relief, nature de la végétation…). La puissance des supercalculateurs est donc mise essentiellement au service de la résolution spatiale dans ce cas. Les MRCs atteignent aujourd’hui 12 km de résolution sur des zones aussi grandes que l’Europe. Au cours des 20 dernières années, la communauté française a développé plusieurs MRCs et est pionnière dans les modèles régionaux couplés intégrant atmosphère, continent, fleuve et océan.
Les terrains de jeu favoris des modélisateurs régionaux sont les zones de montagnes, les îles, les zones côtières complexes et les régions où se produisent des événements extrêmes (tempêtes, précipitations intenses). La zone euro-méditerranéenne regroupe toutes ces caractéristiques en plus d’être une zone fortement peuplée et particulièrement vulnérable au changement climatique. Elle a donc été choisie depuis plus de 10 ans par la communauté française, comme cas d’étude naturel pour la régionalisation du climat. La valeur ajoutée des MRCs y a été démontrée pour expliquer les pluies intenses en automne, les vents forts terrestres et maritimes, les dépressions méditerranéennes et les courants océaniques.
Les scénarios régionalisés obtenus permettent aujourd’hui de caractériser le changement climatique et ses impacts sur de nombreux écosystèmes naturels et secteurs socio-économiques à l’échelle de la France et de l’Europe. Mais au-delà, il reste encore de nombreux progrès à faire pour améliorer la capacité des modèles à simuler les évènements extrêmes régionaux, pour mieux quantifier les incertitudes des projections régionales, pour améliorer la résolution spatiale (1-5 km), et pour tenir compte des lacs, des villes, de la chimie atmosphérique, des aérosols naturels et de la biogéochimie. Enfin, les résultats des projections régionales, qui contiennent des informations utiles à la société et aux décideurs politiques et économiques, devront, dans l’avenir, être transférés à la société via des « services climatiques ».