La quantité et la répartition des pluies se sont-elles modifiées sur la planète au cours du XXe siècle ?
Si les températures observées depuis 1850 à la surface du globe donnent l’image cohérente d’un réchauffement climatique sans équivoque, qu’en est-il des précipitations observées à la surface des continents ? Pour répondre à cette question, on dispose de séries relativement longues (couvrant parfois l’ensemble du XXe siècle) d’observations in situ, dont la densité varie avec celle de la population, ainsi que de séries plus récentes (quelques décennies) d’estimations satellitaires basées sur des mesures infra-rouges et/ou micro-ondes permettant d’avoir une couverture globale mais entachée d’erreurs et dont l’homogénéité temporelle est généralement mise à mal à chaque changement de plateforme ou d’instrument.
Les différents jeux de données in situ disponibles depuis 1901
Les trois jeux de données disponibles sont ceux de la Climatic Research Unit (CRU) de l’Université d’East Anglia, du Global Historical Climatology Network (GHCN) de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et du Global Precipitation Climatology Centre (GPCC) National Center for Atmospheric Research (NCAR)
montrent des tendances significatives faibles mais antagonistes et ne permettent pas de conclure quant à l’évolution de la moyenne globale des précipitations continentales (voir la figure ci-dessous). Ainsi, si le réchauffement global observé s’accompagne d’une humidification des basses couches de l’atmosphère cohérente avec la relation de Clausius-Clapeyron (selon laquelle le contenu maximal en vapeur d’eau de l’atmosphère augmente d’environ 7% par degré de réchauffement), il n’en est pas de même pour les précipitations dont la moyenne globale est également contrôlée par des contraintes énergétiques (et croît plutôt de 1 à 3% par degré de réchauffement selon les modèles de climat). Les jeux de données in situ s’accordent en revanche pour souligner le caractère non uniforme des changements observés en moyenne annuelle avec des tendances régionales plus ou moins marquées selon la période considérée (depuis 1901 ou depuis 1951 dans la figure ci-dessous). Les tendances sont souvent à la hausse aux hautes et moyennes latitudes de l’hémisphère Nord, plus contrastées et moins cohérentes d’un jeu de données à l’autre sous les tropiques. D’autres régions telles que le pourtour du bassin Méditerranéen témoignent d’un assèchement particulièrement net depuis 1951, soulignant une fois encore le caractère hétérogène des changements de précipitations observés. Au-delà des moyennes annuelles, les tendances peuvent être modulées selon la saison et montrent en général un renforcement de l’intensité moyenne (cumul divisé par le nombre de jours de pluie) des précipitations ainsi que des fortes pluies, lorsque l’on dispose de séries quotidiennes suffisamment longues et homogènes pour étayer ce diagnostic.Distribution observée des précipitations continentales
Source : 5ème rapport du GIEC (Figure 2.29)
Tendances observées des précipitations continentales pour les périodes 1901-2010 (à gauche) et 1951-2010 (à droite) pour les 3 jeux de données CRU, GHCN et GHCN (voir la note). Les régions où les données sont manquantes ou incomplètes sont représentées en blanc. Les régions où les tendances sont significatives sont indiquées par des signes +.
L’interprétation des tendances demeure toutefois délicate car les séries observées reflètent à la fois l’effet des différents forçages externes (gaz à effet de serre mais aussi aérosols anthropiques et volcaniques, utilisation des sols, et activité solaire dont l’évolution n’est pas nécessairement linéaire ni même monotone) et de la variabilité interne du climat. Il faut donc avoir recours à des ensembles de simulations historiques forcées par tout ou partie des forçages et aux techniques statistiques de détection-attribution pour dire 1) si les variations spatio-temporelles observées montrent un changement significatif au cours du 20ème siècle et 2) si ce changement relève ou non des forçages anthropiques. Les quelques études de ce type déjà menées à l’échelle globale montrent qu’on ne peut expliquer la différentiation latitudinale des tendances observées modification-des-pluies-au-xxe-siecle-par-herve-douvillesans faire intervenir les forçages anthropiques. Elles suggèrent également que les activités humaines ont d’ores et déjà contribué à augmenter l’intensité des fortes précipitations selon un taux relativement proche de Clausius-Clapeyron (ce qui signifie simplement que les contraintes énergétiques qui limitent l’accroissement des précipitations annuelles en moyenne globale ne s’appliquent pas aux précipitations quotidiennes à l’échelle locale).
Parmi les défis à relever, il reste aujourd’hui à distinguer le rôle des gaz à effet de serre de celui des aérosols anthropiques dans les changements régionaux de précipitations observés au cours du 20ème siècle. Isoler, dans les observations, la contribution historique des gaz à effet de serre devrait en effet permettre de réduire les incertitudes qui pèsent encore dans bien des régions sur les projections de précipitations.