Comment connaît-on les variations passées du climat à la surface des continents ?
Les continents offrent une large variété d’archives climatiques dans les sols, les lœss, les lacs, les tourbières, la végétation, les glaces continentales et polaires, les nappes phréatiques, et les zones côtières
Ce texte est adapté de : Masson-Delmotte (V.) et E. Cortijo, « L’étonnante diversité des capteurs cachés », dans Le climat à découvert, Paris, CNRS Éditions, 2011, p. 113-115.
. Ils donnent accès à des indicateurs qualitatifs ou quantitatifs. Les marques laissées par les variations d’extension des glaciers, les modifications des cours d’eau ou de niveaux des mers permettent également de caractériser l’évolution au cours du temps des surfaces continentales.Les variations passées de température à la surface des continents affectent le profil vertical de température dans les sols ou dans les glaces polaires. À partir de mesures de profils de température dans différents trous de forage (mines, forages et carottages), il est possible d’estimer l’ampleur des variations passées de la température de surface. De nombreuses méthodes indirectes ont été développées pour caractériser les changements de température (de l’air ou de l’eau, en surface) ou du cycle de l’eau (bilan précipitation moins évaporation, accumulation de neige, etc.). Ces méthodes s’appuient sur des mesures de paramètres biologiques et physico-chimiques sur les différentes archives disponibles.
Les archives continentales permettent également de caractériser la fréquence et/ou l’intensité d’événements extrêmes. Par exemple :
- l’extension/intensité des sécheresses passées à partir de bases de données dendrochronologiques ;
- les feux de biomasse à partir de l’analyse des particules de charbon
- la fréquence de crues à partir de marqueurs sédimentaires et géochimiques dans les sédiments lacustres ;
- les fortes précipitations liées aux tempêtes tropicales grâce aux compositions isotopiques de cernes d’arbres ou de lamines de spéléothèmes ;
- ou encore l’occurrence de submersions marines grâce aux sédiments de lagunes.
Carottes prélevées dans des troncs de sapin du Mont Ventoux.
© CNRS Photothèque – PERRIN Emmanuel (CEREGE, Aix-en-Provence)
Ces carottes sont lues à la loupe binoculaire et l’épaisseur des cernes annuels est mesurée. L’étude de l’épaisseur des cernes annuels en fonction du climat permet de reconstruire les climats du passé : c’est le domaine de la dendroclimatologie.
Carotte de sédiments prélevés sur les bords du lac de Joux en Suisse.
© CNRS Photothèque – JANNIN François (Laboratoire de Chrono-écologie, Besançon)
En brun : sédiments tourbeux (organiques). En beige : sédiments carbonatés (craie lacustre déposée en pleine eau). L’objectif de la recherche est la reconstitution des variations des climats du passé par l’étude des fluctuations du niveau des lacs du Jura, de Savoie et du Plateau suisse.
Carotte glaciaire extraite dans le cadre du programme EPICA, au Dôme C, sur la base franco-italienne Concordia (Antarctique).
© CNRS Photothèque – AUGUSTIN Laurent (Division technique INSU/SPU, La Seyne-sur-Mer)
Le forage EPICA a atteint la profondeur maximale de 3 270,20 m en 2004, soit 8 m au dessus du socle rocheux. En analysant cette glace antarctique, les chercheurs ont reconstitué sur 800 000 ans l’évolution des teneurs en CO2 et méthane, les deux principaux gaz à effet de serre après la vapeur d’eau.
Comment connaît-on les variations passées de la circulation océanique ?
L’océan génère des archives sédimentaires ou coralliennes qui permettent de reconstruire l’évolution temporelle des paramètres hydrologiques (température, salinité, acidité des eaux marines, etc.) ou biologiques (notamment la Comment sont datées ces archives du climat ?
Pour que notre vision du système climatique dans le passé soit complète, il est indispensable de croiser les archives et de comparer les résultats continentaux et océaniques. Cela implique que toutes les archives climatiques soient datées mais aussi rassemblées sur une échelle de temps commune et absolue. Les méthodes de datation peuvent être relatives (synchronisation entre différents enregistrements par l’utilisation d’horizons repères identifiés, ou calage par rapport au forçage orbital). Elles peuvent également être absolues en mettant en œuvre des méthodes isotopiques de mesure de différents radio-éléments (méthodes carbone 14, uranium/thorium ou potassium/argon, par exemple) ou des méthodes plus « naturalistes » telles que le comptage de couches annuelles (cernes d’arbres, lamines sédimentaires annuelles ou cycles saisonniers des propriétés physiques, chimiques et isotopiques de carottes de glace). © P. Stroppa/CEA Vue générale de l’installation depuis le détecteur. Ce nouveau spectromètre de masse par accélérateur, pour la datation du carbone 14, permettra de dater, en mode automatique, 4 500 échantillons par an, ce qui va permettre de mesurer les échantillons demandés par la communauté nationale qui, jusqu’à présent, étaient envoyés à l’étranger. Les calculs astronomiques permettent d’estimer très précisément les variations passées de l’orbite terrestre, qui modulent la répartition de l’ensoleillement selon les latitudes et les saisons. Par ailleurs, les archives naturelles enregistrent l’historique de certains facteurs qui agissent sur le climat. Par exemple, la composition chimique des glaces polaires permet d’estimer la quantité de particules émises par les éruptions volcaniques dans l’atmosphère. Autre exemple, les variations d’activité solaire modulent la production de certaines molécules (comme le carbone 14 ou le béryllium 10) dans la haute atmosphère, dont les fluctuations sont ensuite enregistrées dans différentes archives. Ces archives naturelles permettent aussi de connaître directement (grâce à l’air piégé dans les glaces polaires) ou indirectement (via leur impact sur les milieux terrestres ou marins) l’évolution passée de la teneur en dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Enfin, un ensemble de méthodes permet de caractériser l’évolution de la topographie : formation des reliefs, position des continents et des océans, niveau des mers et volume des calottes de glace. La compréhension de la dynamique du climat est construite sur l’analyse des relations entre forçages externes (orbite terrestre, activité solaire, activité volcanique) et variabilité climatique passée. Elle se fonde également sur l’analyse des causes internes de variabilité du climat : par exemple, la sensibilité de la
© Pascale Braconnot/Jean-Yves Peterschmitt La carte représente les différences de température de l’air de surface (en Kelvin) entre le dernier maximum glaciaire et l’époque pré-industrielle. La simulation du climat glaciaire résulte de la moyenne entre les sorties de 7 modèles numériques différents. Les calottes polaires se trouvent à l’emplacement des zones en bleu foncé sur la carte.ARTEMIS, spectromètre de masse par accélérateur
Comment connaît-on les causes des variations climatiques passées ?
Simulation du climat glaciaire à partir de la base de données paléoclimatiques PMIP2.