Le ralentissement de la hausse de la température de surface est-il cohérent avec le réchauffement climatique prévu par les projections des modèles ?
Le système climatique est le siège d’une variabilité « naturelle » à toutes les échelles de temps. En particulier, les interactions « naturelles » entre l’océan et l’atmosphère (deux fluides aux propriétés très différentes) entraînent une variabilité du climat sur des échelles de temps de l’ordre de 10 ans (dites « décennales »). Le climat est également influencé par les variations de forçages naturels dits « externes » comme les changements d’activité solaire ou volcanique, qui fluctuent d’une décennie à l’autre.
Cette propriété de variabilité décennale est simulée par les modèles numériques de climat les plus élaborés. Des recherches sont actuellement en cours pour mieux comprendre cette variabilité décennale et pour évaluer dans quelle mesure il est possible de la prévoir en initialisant les modèles avec les observations disponibles.
Sur des échelles de temps décennales, la variabilité naturelle du climat peut masquer le réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. Néanmoins, l’effet de ces émissions apparaît clairement à des échelles de temps plus longues. Il semble difficile d’affirmer que la température globale ne s’est pas élevée depuis les 150 dernières années.
Figure 1 : Température moyenne globale de la Terre (en degré Celsius) et tendance sur 15 ans
Source : D. Swingedouw
Évolution de la température globale d’après les données des observations HadCRUT4. Les différentes couleurs ainsi que les lignes verticales correspondent à différentes quinzaines d’années et à leur tendance linéaire associée.
En effet, la figure 1 montre une augmentation claire sur 150 ans. Cette courbe représente la température moyenne de surface de la Terre, calculée par rapport à la moyenne des températures entre 1961 et 1990 (période choisie par convention). La moyenne des températures entre 1961 et 1990 correspond au zéro sur l’axe des ordonnées et les températures moyennes annuelles sont exprimées en positif ou en négatif par rapport à cette valeur de référence.
Cependant, le ralentissement récent de la hausse de la température de surface de la Terre n’est pas sans conséquence sur l’accord entre les projections des modèles et les observations. La figure 2 montre 44 simulations de la température globale de la planète, issues de différents modèles de climat développés dans le monde entier. Dans cette figure, les températures annuelles moyennes sont exprimées, en positif ou en négatif, par rapport à la moyenne des températures pour la période 1961 et 1990 (choisie par convention). Cette moyenne correspond au zéro de l’axe des ordonnées.
Figure 2 : Température moyenne globale de la Terre : comparaison entre observations et modèles
Source : Ed. Hawkins, 2013
Comparaison de la température globale depuis 1950 (observations HadCRUT4) avec les simulations historiques CMIP5 utilisées par le GIEC, ainsi que les projections pour la période allant jusqu’en 2050, suivant le scenario d’émission RCP4.5
On remarque clairement que la faible tendance des 15 dernières années amène les observations vers les valeurs basses du nuage (ou « enveloppe ») des simulations. En effet, à cause de ce ralentissement récent, la tendance1 sur 150 ans simulée par l’ensemble des modèles est statistiquement différente de celle des observations. La tendance est un peu plus forte pour la moyenne des modèles. Il y a cependant quelques modèles qui reproduisent bien les observations.
Les modèles surestiment-ils le réchauffement ? La figure 2 semble le suggérer mais davantage de recul sera nécessaire pour pouvoir conclure.
Cependant, ne nous méprenons pas : si la moyenne des modèles surestime le réchauffement à venir, cette surestimation est très modérée. La température observée reste dans l’enveloppe des projections simulées.
En ne tenant compte que des variations naturelles du climat, il n’est pas possible de reproduire, avec les modèles, l’augmentation de température observée depuis 150 ans. En effet, les observations sortent clairement du nuage des simulations qui ne prennent en compte que les forçages naturels (voir ces deux graphiques). Le réchauffement d’environ 0,9 °C, entre 1850 et les années 2010, ne peut s’expliquer que par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En cela, le réchauffement climatique reste bien réel et son ampleur, sans précédent depuis plus d’un millénaire.
De plus, l’augmentation du niveau marin ne montre pas de ralentissement, comme illustré sur la figure 3. Cette augmentation (courbe rouge) est liée au réchauffement de l’ensemble des couches de l’océan qui conduit à une expansion dite « thermique ». La fonte des glaciers terrestres ne ralentit pas non plus : elle explique également une part importante de l’élévation du niveau marin.
Figure 3 : Contributeurs à l’augmentation du niveau marin depuis 20 ans
Source : AVISO (Archivage, Validation et Interprétation des données des Satellites Océanographiques)
Courbe bleu foncé : augmentation du niveau marin depuis 1993, d’après les données du satellite AVISO.
Courbe rouge : estimation de l’expansion thermique à partir des données océaniques.
La contribution de la fonte des glaces terrestres à l’augmentation du niveau marin est représentée par les courbes verte (glaciers de montagne), bleu clair (calotte groenlandaise) et bleu clair en pointillé (calotte antarctique).
Courbe bleu foncé en pointillé : somme des contributions de la glace terrestre et de l’expansion thermique, qui s’approche plutôt correctement de l’observation indépendante de l’augmentation du niveau marin par satellite. Ces deux termes expliquent donc en grande partie l’augmentation observée du niveau marin.
Ces tendances plus nettes peuvent être expliquées par l’effet intégrateur2 de l’océan et des glaces terrestres qui puisent l’excès d’énergie induite par les gaz à effet de serre et la stockent en leur sein. On voit que, de ce côté, il n’y a pas de pause ni de diminution nette dans les tendances.
Notes
Glossaire
- Tendance
La tendance est la pente de la droite obtenue en faisant une régression linéaire d’un nuage de points, qui fournit la droite la plus proche de ces points. Appliquée aux points de température annuelle, la valeur de la pente ou tendance informe donc sur la vitesse du réchauffement.