Comment mettre en œuvre les nombreux calculs requis par les modèles de climat ?
Les modèles de climat se basent sur des programmes informatiques qui calculent, heure après heure, région après région, l’ensemble des variables d’état des différentes composantes du système climatique. La période simulée peut aller du mois à quelques milliers d’années.
Les programmes informatiques contenant les calculs à effectuer pour une simulation climatique sont composés de nombreux sous-programmes représentant, en tout, plusieurs centaines de milliers de lignes de code. Le globe terrestre est découpé en mailles et pour chaque point du maillage (latitude, longitude, altitude ou profondeur), pas de temps par pas de temps, ces programmes calculent les différentes variables d’état (température, pression…) de chacune des composantes du système climatique (atmosphère, surfaces continentales, océan, glace de mer, biogéochimie, chimie atmosphérique…) suivant les équations décrivant leur évolution. Les calculateurs actuels, composés d’un grand nombre de processeurs (cœurs de calcul) travaillant en parallèle, permettent de simuler l’évolution du climat sur des périodes allant de quelques mois à plusieurs milliers d’années. Chaque cœur se charge d’un sous-ensemble des calculs, en général d’un sous-domaine du globe terrestre. On parle de parallélisation des calculs.
La chaîne de modélisation se décline en plusieurs étapes : le calcul proprement dit et les post-traitements systématiques. Ces derniers consistent à regrouper des fichiers « résultats » produits par le modèle, à moyenner temporellement certaines variables (par exemple par mois) et à réaliser des cartes et des graphiques d’évolution temporelle de paramètres clefs du climat. Enfin tout cela est suivi en temps quasi réel via internet.
Les études climatiques nécessitent souvent de simuler le climat sur de nombreuses années afin de comprendre les mécanismes physiques qui gouvernent sa variabilité et d’estimer ses propriétés statistiques. Ainsi, avec les moyens de calcul actuels, la réalisation d’une simulation de 2000 ans avec un maillage de l’ordre de 100 km prend quasiment une année entière. L’accroissement futur des moyens de calcul permettra, à condition que les indispensables modifications soient faites dans nos codes, soit d’effectuer ces simulations plus rapidement, soit de prendre en compte plus précisément certains phénomènes physiques ou d’en introduire de nouveaux (évolution de la calotte glaciaire, hauteur des vagues…), soit d’affiner le maillage (typiquement 20 km au lieu de 100 km actuellement), soit de mieux estimer l’incertitude des résultats en multipliant les simulations effectuées. Le choix entre ces différentes options se fait en fonction du domaine d’intérêt (changement climatique, prévision saisonnière à décennale, étude de processus, …). Dans chaque cas, un compromis est cependant nécessaire pour choisir le niveau de détail du climat simulé en fonction des ressources informatiques disponibles.
Evolution de la puissance de calcul des supercalculateurs de Météo-France
Source : Alain Beuraud / Météo-France
Si les codes de climat deviennent de plus en plus complexes et à haute résolution, c’est aussi grâce à l’amélioration des performances des supercalculateurs. Ainsi les « opérations à virgule flottantes par seconde » (FLOPS), qui sont une unité de mesure de la vitesse d’un calculateur scientifique, ne cessent d’augmenter. Les vitesses des calculateurs étaient exprimées en MégaFLOPS (106 FLOPS) en 1980, en GigaFLOPS (109 FLOPS) en 1990, en TéraFLOPS (1012 FLOPS) en 2000 et maintenant, en septembre 2013, elles se chiffrent en PétaFLOPS (1015 FLOPS). Associés à ces puissances de calcul, les besoins de stockage des données sont également colossaux et se comptent, de nos jours, en PétaOctets.
Une machine NEC SX-9 de 3 nœuds de 16 processeurs de calcul, financée par Grand Équipement National de Calcul Intensif (GENCI) et maintenue par le Très Grand Centre de Calcul (TGCC), était dédiée à l’IPSL entre avril 2009 et décembre 2012 pour produire les simulations de CMIP5CMIP5 (Coupled Model Intercomparison Project – Phase 5) : projet international proposant un protocole commun pour réaliser des simulations climatiques et mettre les résultats de ces simulations à disposition de la communauté scientifique internationale.. Des simulations complémentaires ont été réalisées sur les autres calculateurs disponibles au TGCC (machine Bull) et à l’Institut du Développement et des Ressources en Informatique Scientifique (IDRIS, machine IBM). À Toulouse, 16 processeurs de NEC SX-8 de Météo-France ont été utilisés pendant 2 ans par les équipes du CNRM et du CERFACS. Dans le même temps, 2,4 Po de données ont été produites (2 Po par l’IPSL et 420 To par Météo-France, voir To et Po), dont 301 To (250 To par l’IPSL et 51 To par Météo-France) ont été mises à disposition des autres groupes de recherche internationaux grâce à l’installation de nœuds de distribution dans les différents centres de calcul (IPSL, Météo-France, TGCC, IDRIS).