Comment l’ozone influence-t-il le système climatique ?
C’est en 1840 que le chimiste allemand C. Schönbein, professeur de chimie à l’université de Bâle en Suisse, attribuera l’odeur caractéristique d’une décharge électrique survenant dans l’air à un gaz qu’il nommera ozone, du mot grec ozein (sentir). Quelques années plus tard, la molécule d’ozone sera identifiée comme étant formée de trois atomes d’oxygène OOO ou O3. L’existence de l’ozone est donc directement liée à la présence d’oxygène dans l’air et sa formation résulte de réactions chimiques initiées par le rayonnement solaire traversant l’atmosphère terrestre. Comme l’illustre la Figure ci-dessous, la plus grande quantité d’ozone présente dans l’atmosphère (environ 90%) se situe dans la stratosphère, la couche atmosphérique s’étendant de la tropopause (de 8-18 km d’altitude suivant la latitude) à 50 km d’altitude. Le reste de l’ozone (10%) se trouve dans la troposphère, la couche atmosphérique s’étendant de la surface à la tropopause. L’impact d’une molécule d’ozone sur le climat varie considérablement en fonction de l’altitude à laquelle elle se situe.
Distribution verticale de l’ozone atmosphérique
Source : WMO (2014)
La plus grande quantité d’ozone (environ 90%) se situe dans la stratosphère et forme ce que l’on appelle communément la couche d’ozone avec un maximum de concentration atteint vers 20-30 km. La troposphère contient environ 10% de l’ozone et est directement affectée par les polluants émis à la surface ou en altitude (aviation).
Distribution verticale de l’ozone atmosphérique
Source : WMO (2014)
La plus grande quantité d’ozone (environ 90%) se situe dans la stratosphère et forme ce que l’on appelle communément la couche d’ozone avec un maximum de concentration atteint vers 20-30 km. La troposphère contient environ 10% de l’ozone et est directement affectée par les polluants émis à la surface ou en altitude (aviation).
L’ozone stratosphérique
Dès les années 1930, les mesures optiques ont permis de mettre en évidence l’existence d’une couche d’ozone localisée dans la stratosphère entre 20 et 30 km d’altitude. A ces altitudes, le maximum de concentration relative de l’ozone atteint 8 à 10 millionièmes. C’est le géophysicien anglais S. Chapman qui proposera un cycle de quatre réactions chimiques expliquant la présence d’un maximum d’ozone à cette altitude. Suivant le mécanisme proposé par Chapman, la création de l’ozone est initiée par la dissociation d’une molécule d’oxygène (O2) sous l’action du rayonnement solaire ultraviolet. A ces altitudes, le rayonnement solaire est suffisamment énergétique pour briser la molécule d’oxygène en deux atomes d’oxygène (O + O). La collision, au hasard de leurs mouvements, d’un de ces atomes d’oxygène libérés avec une nouvelle molécule O2 permet de former la fameuse molécule d’ozone O3. Cette molécule d’ozone est également soumise à l’action du rayonnement solaire et peut elle-même être brisée en deux, libérant un atome O et une molécule O2. Pour compléter ce cycle, la molécule d’ozone peut également réagir avec un atome d’oxygène libre, ce qui permet de reformer deux molécules O2 et de boucler le cycle proposé par Chapman.
Le cycle de Chapman, outre le fait qu’il explique la présence de la couche d’ozone dans la stratosphère, a deux implications importantes. D’une part, la dissociation de l’ozone par le rayonnement solaire ultraviolet à haute altitude empêche que ce rayonnement atteigne les basses couches de l’atmosphère. De ce fait, l’ozone agit comme un bouclier protecteur filtrant le rayonnement ultraviolet énergétique dommageable pour l’ADN et protège ainsi la vie sur Terre telle que nous la connaissons. D’autre part, la formation de l’ozone par réaction d’une molécule O2 et d’un atome libre O est une réaction exothermique. A chaque fois que cette réaction du cycle a lieu, une molécule d’ozone est bien sûr formée, mais un surplus d’énergie de 24 kcal est libéré et permet de chauffer l’air ambiant. Le cycle de Chapman va donc chauffer l’atmosphère à un taux atteignant 5°C par jour à une altitude d’environ 30 km. L’ozone stratosphérique a donc un effet majeur sur le climat puisqu’il constitue la source de chaleur expliquant l’existence même de la stratosphère qui est caractérisée par une augmentation de la température avec l’altitude.
Les observations ont cependant montré que le cycle de Chapman était incomplet pour expliquer le comportement de l’ozone stratosphérique. En effet, certains constituants, présents dans la basse atmosphère et transportés par les courants atmosphériques, peuvent gagner la stratosphère et libérer des espèces chimiques responsables de la destruction de l’ozone stratosphérique. C’est le cas par exemple de la vapeur d’eau (H2O), du méthane (CH4), du protoxyde d’azote (N2O), et des composés halogénés (CFCs, HCFCs, HFCs, halons). Les halogénés, qui renferment des atomes de chlore ou de brome, sont tout particulièrement importants à cet égard et sont responsables de la destruction massive de l’ozone polaire apparaissant de manière spectaculaire durant les mois de septembre et octobre au-dessus du continent Antarctique, et cela depuis le début des années 1980. Ce phénomène est bien connu sous la dénomination de trou dans la couche d’ozone.
L’action de l’Homme sur la couche d’ozone est donc clairement établie dès le milieu des années 1980 et le protocole de Montréal est adopté par les Nations Unies en 1987 pour progressivement bannir les constituants halogénés libérant du chlore et du brome actifs, responsables de la destruction de l’ozone stratosphérique. Même s’il faut attendre la seconde moitié du XXIe siècle pour que le trou dans la couche d’ozone soit résorbé, le protocole de Montréal, qui a maintenant plus de 30 ans, et ses différents amendements, ont permis d’éviter le pire. En effet, les résultats les plus récents commencent à indiquer les premiers signes d’une guérison de la couche d’ozone stratosphérique. Cependant, cette guérison dépend fortement des conditions météorologiques régnant dans la basse stratosphère au-dessus du continent Antarctique, et nous ne sommes pas à l’abri de la formation de trous d’ozone particulièrement marqués au cours des prochaines décennies.
Quel est l’impact sur le climat d’une diminution de l’ozone stratosphérique ? Dans la mesure où l’ozone stratosphérique contribue directement à l’échauffement de la stratosphère, sa diminution sous l’effet des activités humaines et des émissions de constituants halogénés induit un refroidissement local de la stratosphère. Ce refroidissement est responsable d’une diminution du rayonnement infrarouge émis vers la surface de telle sorte que la diminution d’ozone stratosphérique survenue depuis les années 1980 est responsable d’un forçage climatique négatif (refroidissement) de -0,05 W/m2.
On notera par ailleurs que les CFCs et les halons, ainsi que les HCFCs et HFCs utilisés comme substituts à ces gaz destructeurs de l’ozone, sont de puissants gaz à effet de serre et sont également soumis maintenant à des réglementations de leurs émissions (amendements au protocole de Montréal, dont le dernier en date est celui de Kigali en 2016). L’augmentation de l’ensemble de ces constituants halogénés dans l’atmosphère est responsable d’un forçage climatique de +0,36 W/m2 (13% du forçage climatique total des gaz à effet de serre de longue durée de vie). En imposant une réduction des émissions de gaz appauvrissant la couche d’ozone, le protocole de Montréal et ses amendements ont donc permis de réduire par la même occasion l’émission de puissants gaz à effet de serre et se sont avérés 5 fois plus efficaces que le protocole de Kyoto pour lutter contre le réchauffement climatique sur la période 1990-2010.
L’ozone troposphérique
Bien que la molécule d’ozone soit majoritairement présente dans la stratosphère, sa présence ne se limite pas à cette seule couche. Sa teneur dans la basse atmosphère (la troposphère) est par contre largement inférieure à celle mesurée dans la stratosphère. Les premières estimations, effectuées en surface durant la seconde moitié du XIXe siècle, révèlent des teneurs de l’ordre d’une dizaine de milliardièmes. Actuellement, l’abondance de l’ozone atteint plusieurs dizaines de milliardièmes dans la troposphère, voir plus d’une centaine de milliardièmes en périphérie des grandes agglomérations, témoignant de la nature anthropique de cette augmentation.
Dans la troposphère la molécule d’ozone est produite chimiquement à partir de polluants émis par les activités humaines. C’est en effet lors de l’oxydation dans l’atmosphère du méthane (CH4) (et de tous les autres hydrocarbures) et du monoxyde de carbone (CO), en présence d’oxydes d’azote (NOx) et de rayonnement solaire, que la molécule d’ozone est formée. L’augmentation de l’ozone observée depuis l’époque préindustrielle est donc associée à une production chimique à partir de ces gaz précurseurs plutôt qu’à une émission directe comme beaucoup d’autres polluants. Cette multi-dépendance de l’ozone troposphérique avec les émissions de précurseurs résultant de l’utilisation des combustibles fossiles, des activités industrielles et agricoles, mais aussi des paramètres météorologiques (car la concentration en ozone à la surface dépend également de la température, de la présence de nuages, de l’humidité et surtout du brassage des masses d’air) rend l’étude de l’évolution de l’ozone complexe.
La molécule d’ozone a la propriété d’absorber le rayonnement solaire dans la stratosphère. Cette molécule a également la propriété d’absorber le rayonnement infrarouge et d’être un puissant gaz à effet de serre. Dans la troposphère, son augmentation depuis le préindustriel sous l’effet des activités humaines est donc responsable d’un forçage climatique positif au même titre que les autres gaz à effet de serre de plus longue durée de vie comme le CO2 ou CH4. A l’aide de modèles informatiques du climat incluant la chimie de l’atmosphère, on peut calculer la distribution de l’ozone troposphérique, son évolution ainsi que son forçage climatique qui est de +0,40 W/m2 en moyenne (14% du forçage climatique des gaz à effet de serre de longue durée de vie).
L’ozone troposphérique a également des effets indirects sur le climat qui sont plus difficiles à quantifier. En particulier, O3 est à l’origine de la production dans l’atmosphère du radical hydroxyle, OH. Ce radical est une molécule essentielle de l’atmosphère et a la propriété d’oxyder la plupart des polluants gazeux émis dans l’atmosphère et notamment le méthane, les HCFCs et les HFCs qui sont de puissants gaz à effet de serre. L’augmentation de l’ozone troposphérique entraîne donc une augmentation de OH et donc une destruction accrue de ces gaz à effet de serre et une diminution de leur forçage climatique. Inversement, une diminution de l’ozone dans la basse atmosphère provoquera une diminution de OH, une augmentation de CH4 (qui est le deuxième gaz à effet de serre anthropique) et de son forçage climatique.
En dépit de son impact sur le climat, la législation en vigueur visant à réduire la pollution à l’ozone dans nos villes est surtout mise en place pour des raisons de santé publique. En effet, en plus d’être un gaz influant sur le climat, l’ozone est avant tout un puissant oxydant qui, aux concentrations rencontrées en périphérie des grandes villes chaque été, est responsable de problèmes respiratoires. L’amélioration de la qualité de l’air passe donc par une réduction des niveaux de particules fines mais également des teneurs en ozone troposphérique.
Le caractère oxydant de l’ozone se manifeste également par une baisse du rendement agricole dans la mesure où O3 réduit l’activité photosynthétique, un problème majeur quand il s’agit de nourrir une population mondiale croissante. De plus, cette réduction de l’activité photosynthétique par l’ozone ne se produit pas exclusivement pour les cultures mais également pour les autres écosystèmes et en particulier pour les forêts. Elle induit une diminution du carbone assimilé par la végétation, participant ainsi à une augmentation du CO2 atmosphérique. On assiste ainsi à un autre effet indirect de l’ozone sur le climat et à un autre couplage étroit entre la qualité de l’air et le changement climatique global.