Quels sont les fondements de la prévisibilité climatique ?
La prévisibilité mesure la capacité à prévoir en fonction des échéances. La prévisibilité météorologique repose sur la connaissance de l’état de l’atmosphère au démarrage de la prévision (température, vent…) et de l’évolution de cet état, dit initial, estimée à l’aide d’un modèle numérique représentant la physique de l’atmosphère. Elle est réduite à une dizaine de jours de par la nature Chaotique : Propriété d’un système dynamique pour lequel de petites différences dans l’instant initial du système peuvent conduire à des états futurs distincts. de l’atmosphère. La prévisibilité saisonnière repose, en grande partie, sur la connaissance de l’état initial des composantes lentes du système climatique (océan, humidité des sols, banquise) et de leurs évolutions prévues par les modèles couplés1. On dit d’un modèle qu’il est couplé lorsqu’il intègre de manière cohérente plusieurs modules numériques correspondant aux composantes ayant un rôle dans le climat, par exemple l’atmosphère, l’océan, la cryosphère, les surfaces continentales, la chimie atmosphérique, les cycles biogéochimiques, …. Aux échéances supérieures à quelques années, les modifications des Forçage : Cause interne ou externe à un système provoquant une perturbation d’un état d’équilibre. Par exemple, le forçage radiatif dû à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, depuis 150 ans, cause une augmentation de la température de l’air à la surface de la Terre. externes (concentration des gaz à effet de serre –GES-, aérosols, rayonnement solaire…) sont les principales sources de prévisibilité. Aux incertitudes des modèles couplés de climat viennent donc s’ajouter celles liées aux émissions futures de GES qui dépendent des divers scenarios d’évolution des activités humaines ; on parle alors de projections climatiques et non de prévisions. La prévisibilité décennale se situe entre l’échelle saisonnière et les projections : on cherche à prévoir à la fois la réponse du système climatique aux forçages externes mais aussi la modulation de cette réponse par la variabilité interne des composantes lentes du système climatique. Véritables “mémoires”, les fluctuations des composantes lentes peuvent en effet soit renforcer, soit atténuer, les grandes tendances climatiques d’origine anthropique. Sur certaines régions, elles peuvent même les dominer.
La prévisibilité du système climatique est évaluée en « rejouant » un grand nombre de situations passées. Ainsi, des prévisions saisonnières et décennales ont été réalisées a posteriori sur les 50 dernières années. Sur cette période, on dispose d’observations permettant d’initialiser les modèles puis de vérifier s’ils parviennent à prévoir des évolutions climatiques qui ont été constatées. Ce sont des bancs d’essai essentiels pour cerner les limites des modèles climatiques et le niveau de confiance des prévisions qui comportent, par définition, une part d’incertitude qu’il est important de quantifier. Cette incertitude est associée à l’impossibilité de définir parfaitement l’état initial de la prévision (couverture spatiale incomplète des systèmes d’observation…), aux limitations inhérentes à la modélisation (incapacité de décrire toutes les interactions d’échelles entre les processus physiques…), aux moyens de calcul, et à l’impossibilité d’anticiper de manière parfaite l’évolution des forçages externes futurs dont l’humain est responsable.
Les groupes français de modélisation sont mobilisés sur les questions de prévisibilité du mois à la décennie prochaine. La prévision décennale, sujet de recherche coordonnée au plan international, a fait, pour la première fois, l’objet d’un chapitre dédié dans le 5ème rapport du GIEC. Dans ce cadre, la communauté internationale a montré que l’évolution de l’Océan Nord-Atlantique est mieux prédite lorsqu’on intègre des observations de température et de salinité océaniques dans l’état initial des modèles couplés et ce, en plus de considérer l’évolution des forçages externes. La valeur ajoutée de l’initialisation confirme le rôle important de la variabilité interne du climat sur les tendances à long terme et pour le futur proche.
La recherche suit actuellement trois pistes pour améliorer la qualité des prévisions : la première consiste à améliorer les connaissances physiques sur la variabilité décennale car celles-ci restent encore limitées. La seconde tente de perfectionner la description de l’état initial du système climatique et son intégration dans les modèles pour les prévisions. La troisième vise à améliorer les modèles eux-mêmes pour faire en sorte que la qualité des prévisions effectuées s’approche de la limite théorique de prévisibilité.