Les rétroactions sont-elles prises en compte dans les modèles ?
Une rétroaction décrit l’effet de retour d’un système sur une cause initiale qui le provoque. Une rétroaction est dite positive si l’effet de retour amplifie la cause initiale, et négative dans le cas contraire. La « boucle de rétroaction » est une expression souvent utilisée pour désigner une séquence de causes et d’effets qui sont reliés par une rétroaction. La rétroaction est une notion plus pertinente que celle de la causalité pour décrire le comportement d’un système aussi complexe que le système climatique.
De multiples rétroactions opèrent dans le système climatique de la Terre. Les plus importantes pour la thématique du réchauffement global sont les suivantes :
Rétroaction du rayonnement terrestre régi par la loi d’émission du corps noir (loi de Planck)
En réponse à une perturbation énergétique, le système climatique s’adapte en faisant varier la quantité d’énergie qu’il émet sous forme du rayonnement infrarouge pour contrer la perturbation initiale. Cette rétroaction, de nature négative évidente, opère en toutes circonstances. Elle constitue un élément stabilisateur pour le climat. Prise en compte par tous les modèles, cette rétroaction bien comprise n’introduit quasiment pas de différence entre les modèles.
Rétroaction de la vapeur d’eau
Quand le climat est perturbé, la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère ainsi que sa distribution spatiale sont susceptibles de changer. Or, la vapeur d’eau est un puissant gaz à effet de serre et joue un rôle de premier plan pour le climat. Elle introduit donc une forte rétroaction qui est aussi prise en compte dans tous les modèles du climat.
Cette rétroaction est le plus souvent positive parce qu’une atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d’eau et vice-versa. Cependant, dans les zones géographiques sèches (subtropicales et polaires) et dans les hautes couches de l’atmosphère notamment, des processus dynamiques, physiques et chimiques contrôlent aussi le bilan de vapeur d’eau et peuvent modifier l’amplitude de cette rétroaction positive. Ces processus n’étant pas entièrement compris, la prise en compte de la vapeur d’eau dans un modèle du climat demeure encore une source d’incertitude.
Rétroaction du gradient vertical de température de l’air
Quand le climat change, le profil vertical de la température de l’air change aussi, ce qui modifie la hauteur effective d’émission du rayonnement infrarouge. La température de l’air dans la haute couche de la troposphère varie généralement plus fortement que celle près de la surface. Prenons le cas d’un réchauffement du climat en réponse à une augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Le réchauffement est plus fort vers 7 ou 8 km qu’à la surface de la terre. Cela génère une rétroaction négative dans la plupart des modèles.
Une part importante du gradient vertical de température dépend de la convection atmosphérique et des processus de condensation qui sont décrits de manière variable dans les différents modèles du climat, ce qui introduit une incertitude dans les modèles.
D’une manière générale cependant, la rétroaction de la vapeur d’eau et celle du gradient vertical de la température de l’air sont liées, mais de signe opposé, et il y a donc une compensation au niveau des incertitudes pour l’effet combiné de ces deux rétroactions qui est une propriété robuste des modèles de climat.
Rétroaction de l’albédo de surface de la Terre
La présence de neige et de glace de mer sur la surface de la Terre introduit une autre rétroaction importante au système climatique. Leur fonte, provoquée par le réchauffement climatique, peut faire baisser la réflectance du sol et ainsi augmenter la part du rayonnement solaire absorbée par la surface de la Terre, ce qui constitue une boucle de rétroaction positive.
Cette rétroaction est prise en compte dans tous les modèles du climat, même les plus anciens fondés uniquement sur le bilan d’énergie.
Rétroaction des nuages
Les nuages modulent le bilan radiatif de la Terre : les nuages bas possèdent un fort effet d’albédo et ils ont donc tendance à refroidir le climat, tandis que les nuages hauts augmentent l’effet de serre et réchauffent le climat. Les caractéristiques des nuages peuvent varier en réponse au changement climatique. Ces variations peuvent se manifester sous forme de couverture nuageuse, de position verticale et de propriétés microscopiques (le contenu en eau liquide ou solide, la taille des gouttelettes et la forme de cristaux, etc…), ce qui introduit de multiples possibles boucles de rétroaction. Ces boucles de rétroaction sont étudiées par une large communauté scientifique et nombreuses d’entre elles sont déjà prises en compte dans la plupart des modèles de climat de la dernière génération mais parfois de manière contradictoire entre les modèles. Du fait de la complexité des processus nuageux, notre compréhension des mécanismes de formation et d’évolution des nuages reste cependant limitée. Parce que les nuages ont des dimensions petites par rapport aux mailles des modèles globaux de climat, il y a des difficultés techniques à les intégrer de manière adéquate dans les modèles de climat. La rétroaction liée aux nuages constitue l’un des plus grands défis pour la communauté scientifique spécialisée dans le climat. A ce jour, même le signe de cette rétroaction (positive ou négative) reste incertain et varie d’un modèle à l’autre.
En plus de ces rétroactions physiques, d’autres rétroactions liées aux processus chimiques et biologiques peuvent être aussi prises en compte dans certains modèles du climat. Leur présence augmente généralement encore la plage de réponses possibles du changement climatique simulé.