La vapeur d’eau est-elle bien prise en compte dans le calcul de l’effet de serre ?
L’utilisation des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz dit naturel) conduit à des émissions de CO2 mais aussi de vapeur d’eau. Il est donc naturel de se demander pourquoi on ne parle pratiquement pas de l’impact des émissions humaines de vapeur d’eau. En fait, la concentration de vapeur d’eau dans l’atmosphère est essentiellement contrôlée par sa température. Si on essaye de mettre plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, celle-ci est rapidement éliminée par précipitation. Le temps moyen de résidence d’une molécule d’eau dans l’atmosphère est d’environ 10 jours. Ainsi, ce sont des processus naturels et très rapides qui contrôlent la concentration atmosphérique en vapeur d’eau et les émissions directes de vapeur d’eau par les activités humaines ont une influence très faible. Le cycle du carbone opère de manière très différente du cycle de l’eau, et c’est pourquoi la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente rapidement du fait des activités humaines.
L’effet de serre est généré par l’absorption du rayonnement infrarouge par un certain nombre de molécules atmosphériques. Notons tout d’abord que les molécules à deux atomes comme par exemple l’oxygène (O2) ou l’azote (N2), qui constituent 99% de l’atmosphère, n’absorbent pratiquement pas le rayonnement infrarouge et ne contribuent donc pas à l’effet de serre. A l’inverse, d’autres molécules, et en particulier la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et le méthane (CH4), absorbent et émettent du rayonnement infrarouge. Ces molécules participent donc à l’effet de serre.
Cette absorption/émission du rayonnement infrarouge dans l’atmosphère est parfaitement comprise. On peut mesurer en laboratoire l’intensité de l’absorption de différents gaz en fonction de la température et de la pression. Il existe des modèles qui calculent la propagation du rayonnement infrarouge dans l’atmosphère et ces modèles sont en accord quasi-parfait avec les mesures. Ils sont d’ailleurs utilisés tous les jours pour estimer les profils verticaux de température et de vapeur dans l’atmosphère à partir des mesures de rayonnement faites par satellite. L’absorption par la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone ou les autres gaz est donc parfaitement connue et quantifiée.
La vapeur d’eau est le troisième gaz le plus abondant dans l’atmosphère et le premier gaz à effet de serre. C’est ce qui est clairement démontré à partir des mesures et des modèles de transfert radiatif évoqués plus haut. Cependant, ces mêmes modèles montrent que la contribution du dioxyde de carbone est loin d’être négligeable malgré sa concentration plus faible. En effet, le CO2 absorbe le rayonnement infrarouge à des longueurs d’onde différentes de celles de la vapeur d’eau. Par ailleurs, la concentration de la vapeur d’eau dans l’atmosphère est très variable et décroît rapidement lorsqu’on s’élève en altitude. Ainsi, en altitude, l’absorption du CO2 est dominante et vient modifier le bilan radiatif de la planète.
Contrairement à ce qui est parfois dit, l’effet de serre n’est pas saturé et continue à augmenter lorsque les concentrations des différents gaz cités plus haut augmentent.
La vapeur d’eau n’est pas le moteur du réchauffement climatique, mais elle y participe par un effet amplificateur. En effet, l’augmentation des concentrations des gaz tels que CO2 et CH4 conduit à une amplification de l’effet de serre, et donc une élévation des températures. Or, dans une atmosphère plus chaude, il peut y avoir plus de vapeur d’eau. L’élévation des températures conduit donc à une augmentation des concentrations de vapeur d’eau atmosphérique. Puisque la vapeur d’eau absorbe le rayonnement infrarouge, on a alors un renforcement de l’effet de serre, qui conduit à une augmentation supplémentaire des températures.
Cet effet est bien compris ; il est pris en compte dans les modèles de climat qui montrent qu’il conduit à une augmentation importante des températures en plus de ce qui est déjà attendu sans cette rétroaction.